C. Price à la Malassise

Caroline Price

Le mardi 1 juin, en classe d’anglais, les élèves de Première ES1 eurent le plaisir de recevoir Caroline Price, musicienne et poétesse anglaise, qui s’était proposée de venir leur parler de son métier d’artiste et de sa passion pour l’écriture.

Après avoir étudié la musique à l’université de York,  le violon et l’art dramatique à Londres, Caroline Price retourna vite à ses racines dans Le Kent, conté britannique que nous connaissons bien, où elle exerce actuellement son métier de violoniste. Saisie d’un véritable engouement pour la poésie aux alentours de vingt ans, Caroline s’est peu à peu hissée au rang des grands poètes britanniques contemporains puisqu’elle a déjà remporté de nombreux prix pour ses recueils et s’est vue reconnue par les « Living » Poets Societies du sud-est de l’Angleterre et de Londres.

C’est assez tard, grâce à un ami très cher, que Caroline découvre véritablement notre pays et se prend de passion pour notre langue, qu’elle étudie par le biais de l’Open University (l’équivalent du C.N.E.D), qu’elle parle désormais couramment. Elle affectionne le français, certes pour les sonorités romantiques et harmonieuses qui font son unicité, mais aussi et surtout pour la culture, notamment littéraire, dont il est le véhicule.

S’adressant à nos élèves avec naturel et simplicité – sans tabou, même, d’après la classe ! – Caroline accepta de répondre à leurs questions dont certaines, ayant trait à ses poèmes les plus énigmatiques, incongrus, voire même érotiques, ne manquaient pas de piquant.

L’échange fut très enrichissant.

Caroline se définit d’abord comme une « art lover » au sens large puisqu’elle affectionne toutes les formes d’art, avec un petit penchant toutefois pour la culture française (« so rich ! ») qu’elle évoqua en citant Ravel et Debussy pour la musique, Rodin pour la sculpture, Cézanne et Matisse parmi les figures les plus emblématiques du courant impressionniste qui l’inspira d’ailleurs beaucoup dans sa poésie. Elle fit en outre référence à l’immense et quasi millénaire héritage littéraire français.

Quand on lui demande de définir ce qu’est la poésie, Caroline affirme : « Poetry has to do with emotions ». Les « émotions », voilà le maître-mot ! La poésie a le pouvoir de nous faire expérimenter ou ressentir des émotions nouvelles, inattendues, surprenantes, choquantes mêmes, en décrivant le monde immédiat qui nous entoure et dont nous n’apprécions pas toujours la beauté ou la singularité. La poésie peut même, dans certains cas, nous apprendre à « éduquer », à canaliser, nos émotions. Contrairement à celle du vulgum pecus, qui se montre indifférent à tout, l’âme du poète est, elle, plus aiguisée, plus sensible et plus prompte à recevoir, percevoir ou rendre compte de ces émotions : « You need to feel strongly about something or somebody to write poetry. You also need time and space ».

En effet, il faut aussi au poète du temps et de l’espace, pour prendre de la distance justement. Et c’est d’ailleurs en partant à l’étranger, en se sentant davantage « étranger » (« being an alien or feeling like an alien») comme aurait pu le dire Camus, que la plupart des grands poètes, anglais notamment, (Byron, Shelley, Keats…) ont toujours cherché à garder ce regard extérieur (« this look from outside »), cette objectivité, cette élévation de l’âme qui font d’eux des gens « à part », de « drôles d’oiseaux », caractéristiques qui font immanquablement penser au célèbre et incontournable Albatros de Baudelaire sur le même sujet.

Les thèmes récurrents de son œuvre sont les relations humaines, la nature et la France, sources de beauté, de vie, d’émotions fortes, parfois dérangeantes.

James Joyce

Virginia Woolf

Caroline expliqua également la différence entre la poésie française, plus « cadrée », rigoureuse, utilisant souvent la rime et la poésie anglaise, plus libre ou rebelle peut-être, moins soucieuse des conventions et s’inspirant beaucoup du fameux « stream of consciousness » cher à James Joyce et à Virginia Woolf, dans la pure tradition britannique. Elle n’hésite pas, par exemple, à interrompre ses phrases tout en formant une nouvelle strophe, artifice perturbant pour le lecteur, qu’elle justifie comme étant pour elle le moyen de tenir le lecteur en haleine et de prolonger le fil de sa pensée.

La discussion eut lieu entièrement en anglais avec une invitée qui parlait très clairement et n’hésitait pas à traduire quelques mots clés quand cela s’avérait nécessaire.

Même s’ils n’avaient pu lire qu’une partie de ses poèmes, nos lycéens se montrèrent très intéressés et surent animer la discussion par des questions préparées au préalable en classe. Tous furent très sensibles à la radicalité de son engagement, à son désir communicatif de transmettre sa passion, à son amour pour la langue, la culture et les mots. En outre, tous évoquèrent sa gentillesse, sa franchise nuancée par un tact et une pudeur  « très anglais ».

Thank you for sharing some of your time with us, Caroline !

Olivier Gatto, professeur d’anglais au Lycée de La Malassise

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